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« Les experts comptables enrichissent leur gamme de services »
Actualité
Cherchant à la fois à fidéliser leur clientèle , et à se positionner sur des activités à plus forte valeur ajoutée , les experts-comptables ont progressivement élargi leur champ d’intervention.
Celui-ci peut désormais aller de l’externalisation de la consolidation… au conseil en financement ou en placement patrimoniaux ,en passant par les systèmes d’information.
Les experts-comptables enrichissent leur gamme de services
Selon les cabinets, la part des services ne correspondant pas à l’expertise comptable varie déjà entre 15 % et 25 %, voire plus si l’on y ajoute les activités d’audit et de commissariat aux comptes.
Placés, par l’exercice de leurs missions traditionnelles comme la tenue de la comptabilité , l’établissement des liasses fiscales ou la gestion de la paye, au coeur de la gestion des entreprises, les experts-comptables ont progressivement cherché à offrir une gamme de services complémentaires à leurs clients.
Ils ont donc été surpris, lorsque, au printemps dernier, une étude réalisée par le cabinet Danjean a révélé que plus de 75 % des chefs d’entreprise interrogés s’ étaient prononcés contre une extension du champ d’intervention des experts-comptables ! Une détermination qui leur paraît bien éloignée de la réalité des relations qu’ils entretiennent avec leurs clients .
« Nous sommes des partenaires de long terme des sociétés et de leurs dirigeants, explique ainsi Jean-Marie Vandergucht , président de Fidunion, groupement de cabinets indépendants d’experts-comptables, de commissariat aux comptes et de conseil. Nous nouons avec ces derniers un lien de proximité très fort qui les pousse à nous demander un certain nombre de conseils qui dépassent parfois nos attributions habituelles. La plupart des activités que nous avons développées ou que nous comptons créer proviennent initialement d’une demande de leur part. »
Les experts-comptables mettent donc en avant cette connaissance du monde des entreprises pour proposer un nombre croissant de conseils.
« Nous jouons en quelque sorte un rôle de copilote pour le chef d’entreprise, explique pour sa part André-Paul Bahuon, président du cabinet Créatis Goupe. Nous cherchons donc, par le biais de notre activité de conseil , à le faire bénéficier des bonnes pratiques que nous avons pu identifier au sein des autres groupes dans lesquels nous intervenons. »
Un axe de développement prioritaire
Mais si les cabinets d’expertise-comptable se montrent tellement enclins à développer des services complémentaires, c’est qu’ils n’ont guère le choix.
« Nous exerçons dans un environnement très concurrentiel, explique ainsi Olivier Touchard, président du cabinet Primexis. La prestation d’expertise comptable pure s’est banalisée, et pour trouver de nouvelles entreprises ou fidéliser notre clientèle existante, nous devons nous diversifier. Cela passe notamment, dans notre cas, par une spécialisation dans certains secteurs, mais également par le développement de services à forte valeur ajoutée. »
Cette démarche est d’autant plus importante que ces missions nouvelles constituent un vecteur de développement indispensable pour la croissance de l’activité des experts-comptables.
« Les clients deviennent de plus en plus exigeants et cherchent à réduire les coûts de nos prestations habituelles, reconnaît un expert-comptable. Certes, nous facturons ce travail au temps passé, mais les entreprises disposent généralement d’une enveloppe budgétaire annuelle assez stricte que nous devons respecter. À l’inverse, pour les missions ponctuelles que nous pouvons mener, nous avons moins de difficultés à fixer nos tarifs. Ces missions représentent donc un axe de développement prioritaire pour nous. »
Une externalisation de certaines fonctions
Ainsi, selon les cabinets, la part des services ne correspondant pas à l’expertise comptable varie déjà entre 15 % et 25 % voire plus si l’on y ajoute les activités d’audit et de commissariat aux comptes. Et ce chiffre croît progressivement.
En ce qui concerne le contenu même de ces offres de services, l’éventail est lui aussi assez varié. Certains experts-comptables ont ainsi choisi, dans un premier temps, de s’appuyer sur leur coeur de métier, pour développer des prestations annexes.
« Nous avons commencé par proposer un service d’externalisation de la consolidation pour des sociétés cotées, réalisant un chiffre d’affaires compris entre 100 et 150 millions d’euros, qui ne disposent pas en interne d’équipes en nombre suffisant et avec une bonne compréhension des normes IFRS pour effectuer ce travail », témoigne Olivier Touchard.
Surtout, le cabinet propose de mettre une partie de ses équipes à disposition de ses clients en périodede forte activité, liée à la clôture des comptes par exemple, ou à certains événements particuliers.
« Nous avons accompagné un client qui délocalisait une partie de sa comptabilité dans un pays à bas coût de main-d’oeuvre, explique Olivier Touchard. Nous avons assuré la continuité de la comptabilité pendant que s’opérait le transfert de personnel entre la France et le pays où était implanté le nouveau centre comptable. » Deux missions de ce type sont en cours.
D’autres cabinets ont développé des services à partir de leur rôle initial en matière de paye.
« Nous proposons aux entreprises qui ne possèdent pas les ressources nécessaires une véritable direction des ressources humaines externalisée, témoigne ainsi Francis Kieffer, président du cabinet CTN France, membre du réseau France Défi. Nous pouvons même nous charger de préparer avec le chef d ‘entreprise l’évaluation annuelle du personnel de la société. Nous intervenons également pour préparer en amont des licenciements ou des plans sociaux en partenariat avec un avocat spécialisé. »
De son côté, Créatis a également développé une offre en ressources humaines, mais avec un contenu différent « Avec la crise, les entreprises se sont rendu compte qu’il était très important de renforcer la communication auprès de leurs salariés, témoigne André-Paul Bahuon. Nous avons donc recruté deux personnes pour les accompagner, par exemple dans la rédaction de publications internes régulières destinées au personnel du groupe. »
Autre phénomène émergeant depuis quelques années, les questions environnementales sont devenu un axe important pour la plupart des cabinets, notamment ceux qui proposent également des services d’audit et de commissariat aux comptes.
De même, toujours en raison de la légitimité des équipes d’audit à réaliser des diagnostics, certains cabinets ont développé des prestations de contrôle de qualité.
Enfin, de plus en plus de cabinets proposent des services spécifiques pour accompagner l’implantation en France de sociétés internationales. « Comme nous sommes un cabinet Lillois, nous comptons parmi nos clients un certain nombre d’entreprises étrangères, notamment belges et néerlandaises, qui veulent s’ installer en France dans notre région, explique Francis Kieffer. Nos services vont de la simple domiciliation ou aux démarches administratives et fiscales (pour la TVA par exemple) à la recherche de bureaux, voire d’un logement pour le dirigeant.
Nous pouvons également gérer toute la facturation pour le compte de l’entreprise et assurer pour nos clients les règlements des factures fournisseurs. »
Des services de plus en plus éloignés du coeur de métier
Mais, de plus en plus, les experts-comptables dépassent les sujets proches de leur coeur de métier pour aider leurs clients dans leurs problématiques quotidiennes.
« Nous avons pris une participation dans une société qui fait de l’accompagnement informatique pour les PME, explique André-Paul Bahuon.
Elle les aide à définir leurs besoins, à établir leur cahier des charges, et à maintenir leur système, notamment si leur propre administrateur réseau est défaillant ».
Primexis a pour sa part créé une offre informatique qu’il maîtrisede bout en bout « Nous proposons un système d’information en mode Cloud computing, que nous gérons entièrement », précise Olivier Touchard.
L’entreprise s’épargne ainsi les longues phases de choix du produit et de son installation, et n’a pas à s’occuper de sa maintenance.
« Mais surtout, cela nous permet de gagner en efficacité car l’expert-comptable dispose du même accès en temps réel que son client aux chiffres de l’entreprise, poursuit Olivier Touchard. Nous sommes donc plus rapides pour l’élaboration de la comptabilité ou des tableaux de bord, et plus réactifs si nous identifions un problème. »
D’autres experts comptables se lancent dans le conseil en maîtrise des coûts.
« Nous comptons par exemple lancer un service permettant à nos clients d’optimiser leur politique d’achats, explique André-Paul Bahuon. Il ne s’agit pas de devenir leur fournisseur, ni même un intermédiaire pour autant. Nous allons les aider à créer un groupement d’entreprises pour négocier au mieux les prix avec leurs fournisseurs, ou à rejoindre un groupement existant »
Mais le cabinet d’expertise-comptable à avoir poussé le plus loin cette logique de diversification est Fiducial.
« Depuis l’origine, notre objectif a été de faire bénéficier les PME et TPE des fonctions supports qui n’ existent, en interne, que dans les grands groupes, explique Jean-Marc Jaumouillé, directeur des techniques professionnelles de Fiducial. Nous avons donc développé un champ d’activité très large. Aux prestations de comptabilité, se sont donc ajoutés les services juridiques, l’informatique, le conseil financier, puis la fourniture de matériel de bureau. Et nous avons récemment acquis une société spécialisée dans la sécurité, pour étoffer notre gamme de services aux entreprises. »
Fiducial intervient même en conseil en gestion patrimoniale et en gestion d’actifs. Il possède une filiale spécialisée qui fait partie des principaux gérants indépendants de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).
Une démarche parfois difficile à mettre en oeuvre
Une stratégie de développement qui partage toutefois les experts-comptables, pas tous prêts à s’éloigner à ce point de leur coeur d’activité.
En effet, l’un des premiers freins au développement de ces services se trouve… dans le conservatisme des équipes elles-mêmes. « Nos collaborateurs ne sont pas toujours à l’aise avec l’idée de sortir de leur mission pour créer de nouvelles activités, et surtout de devoir se transformer en commerciaux pour vendre un service à un client, explique un dirigeant de cabinet.
Ils justifient souvent leur manque d’initiative dans ce domaine par le fait qu’ils sont débordés par leurs missions actuelles et qu’ils n’ont pas suffisamment de temps pour le développement hors expertise-comptable. » Une situation qui impacte la composition du personnel des cabinets, qui doivent recruter des professionnels avec des profils différents pour aider à la commercialisation des offres, ou des spécialistes possédant les expertises techniques (environnement , communication , informatique…) nécessaires. « Pour être crédibles dans nos offres de services, il est indispensable que nous identifions les domaines dans lesquels nous devons faire appel à des profils spécialisés », souligne André-Paul Bahuon. Aujourd’hui, 40 % de nos associés ne sont pas des experts-comptables ! »
Mais, dans leurs efforts de diversification, les experts-comptables se heurtent également à une certaine résistance de leurs clients. « Malgré notre proximité avec les chefs d’entreprise, nous avons parfois du mal à les convaincre de nous confier des missions pour lesquelles nous pourrions pourtant les assister efficacement, explique Francis Kieffer. J’ai ainsi été confronté à une entreprise qui traversait une période difficile, et qui avait besoin d’améliorer la gestion de cash et de réduire ses dépenses. Quand j’ai alerté le chef d’entreprise sur ce point, en lui proposant des solutions concrètes, il m’a expliqué qu’il n’avait pas le temps de s’y consacrer. » Il a préféré faire appel, un peu plus tard, à une société spécialisée dans les réductions de coûts.
« Ce prestataire lui a facturé 30 000 euros – ce qui pèse lourd pour le budget d’une société proche du dépôt de bilan – pour un service que j’aurais pu lui fournir pour 5 000 euros » poursuit Francis Kieffer. Cependant, le frein principal, selon certains cabinets, concerne la réglementation, qui, selon eux, les empêche de se lancer dans des prestations spécifiques.
« Au sein des cabinets membres de Fidunion, que notre groupement accompagne dans ces démarches, de nombreuses activités sont développées, comme le conseil en informatique, la gestion de patrimoine, le conseil environnemental… explique Jean-Marie Vandergucht.
Cet exercice d’activités commerciales par les experts-comptables doit pourtant encore être validé par des décrets à paraître. L’autre problématique qui se pose à nos cabinets réside dans le fait que, pour la plupart, nous exerçons aussi la profession de commissaire aux comptes et que, dans ce cas, toute activité commerciale nous est interdite par le Code de commerce.
C’est là un des thèmes majeurs de réflexions de nos professions, auxquelles nous participons activement. » Une question encore loin d’être tranchée.
Guillaume Benoit