L’inaptitude médicale au travail,
les obligations légales de l’employeur
et les droits du salarié
Quelles sont les dernières évolutions juridiques en matière d’inaptitude médicale au travail, notamment celles précisées par la Cour de Cassation ? Que doit contenir la lettre de licenciement pour éviter tout litige juridique ? Quels sont les grandes étapes de la procédure d’inaptitude médicale au travail ?
Les évolutions constantes du droit social requièrent un suivi rigoureux et une expertise pointue. C’est la raison pour laquelle Primexis s’est associé avec le Cabinet d’Avocats Dupard & Guillemin afin de répondre à vos préoccupations dans ce domaine.
Les grandes étapes de la procédure d’inaptitude médicale avant d’aborder les nouveautés
L’inaptitude médicale : Quelques chiffres clés à retenir
– La visite médicale de reprise doit être organisée par l’employeur après un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle, quel que soit leur durée, une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail et une absence d’au moins 60 jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel (versus 30 jours avant le 31 mars 2022)
– Durant 1 mois à compter du prononcé de l’inaptitude, l’employeur n’est pas tenu de verser, au salarié, son salaire. Dès l’expiration de ce délai, si le salarié n’est pas reclassé ou licencié, son salaire doit lui être à nouveau versé même s’il ne peut pas travailler
– L’indemnité légale de licenciement est ipso facto doublée (x 2), en cas d’inaptitude d’origine professionnelle en raison d’un accident du travail, sauf dispositions conventionnelles plus favorables
– 0 mois de préavis effectué en cas de licenciement pour impossibilité de reclassement suite à une inaptitude non professionnelle ; si l’inaptitude est d’origine professionnelle, le salarié perçoit l’indemnité compensatrice de préavis légalement prévue. Cette indemnité est soumise à cotisation mais ne génère pas de congés payés.
Les éclaircissements tant attendus de la Cour de Cassation
- Avis d’inaptitude et dispense de consultation du CSE : la logique l’emporte
Le Code du travail prévoit la consultation du Comité Social Economique préalablement à l’envoi de proposition de reclassement au salarié inapte à son poste. Certaines juridictions exigeaient cette consultation même lorsque le Médecin du Travail avait rendu un avis d’inaptitude SANS reclassement. La Cour de cassation dit NON : l’employeur est dispensé de consulter le CSE lorsque le médecin du travail a fait expressément mention, dans son avis, des dispenses de reclassement légalement prévues à savoir que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
L’employeur n’étant pas tenu de rechercher un reclassement, il n’a logiquement pas l’obligation de consulter le CSE sur cette recherche. (Cass. soc. , 16 nov. 2022, n°21-17.255 – Confirmation d’une décision de Cass. Soc., 8 juin 22, n°20-22.500)
- Un avis d’inaptitude se conteste toujours dans les 15 jours : fin des tergiversations
Après un avis d’inaptitude, les Parties peuvent vouloir contester soit les éléments de nature médicale soit les phases de la procédure comme l’analyse du poste de travail. Or, les règles de procédure de contestation étaient confuses en raison d’une succession de réformes. C’est maintenant univoque : un avis d’inaptitude – mentionnant les voies et délais de recours et n’ayant fait l’objet d’aucune contestation dans le délai de 15 jours – ne peut plus être contesté. Cet avis s’impose aux parties et au juge, et ce que la contestation concerne un élément médical ou non médical (Cass. soc., 7 déc. 2022, n°21-23.662).
- Reclassement limité aux entreprises du Groupe sur le territoire national
L’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur s’apprécie au niveau des entreprises du Groupe, sur le territoire national. La Cour de cassation a confirmé que cette obligation ne s’étendait pas à d’autres entreprises extérieures au Groupe, et ce même si l’employeur avait pris l’initiative de rechercher des postes dans celles-ci (Cass. soc., 16 nov. 2022, n°21-12.809).
La lettre de licenciement
La lettre de licenciement doit contenir la mention de « l’impossibilité de reclassement » : ce n’est pas nouveau mais c’est important de le rappeler
La lettre de licenciement ne doit pas contenir uniquement la mention de l’inaptitude médicale mais aussi celle de l’impossibilité de reclassement. Sinon, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 14 sept. 2022, n° 21-14.719).
Lorsque le salarié, concerné par une inaptitude, a la qualité de travailleur handicapé, deux obligations coexistent pour l’employeur qui en a été informé :
– L’obligation générale de recherche de reclassement
– L’obligation spécifique propre au travailleur handicapé d’adaptation du poste de travail prévue par l’article L. 5213-6 du code du travail. Des mesures appropriées doivent être prises afin que le salarié concerné puisse conserver son emploi.
Pour la remplir, il est pertinent de (i) faire intervenir le Médecin du Travail et de prendre attache avec le Sameth (Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés). L’entreprise diminue ainsi le risque de nullité du licenciement pour discrimination fondée sur l’état de santé avec une sanction d’au moins 6 mois de salaire.